Une année de mondes en dialogue
En 2025, l’Espace Thorigny s’est affirmé comme un véritable terrain de jeu pour les imaginaires : un lieu où l’on traverse la couleur, la pierre, la mémoire, la ville, mais aussi le regard des enfants. De pop-up éphémères en expositions habitées, l’année a dessiné un fil rouge : faire du Marais un espace de circulation entre les arts, les publics et les émotions.
Blue Soul – Plonger dans la matière des émotions
Au printemps, la galerie s’est teintée de bleu avec Blue Soul, première exposition personnelle à Paris du peintre Sergiu Ciochină, à l’Espace Thorigny – Espace Marais.
Plus de trente peintures et dessins, réalisés au cours des cinq dernières années, étaient réunis comme les fragments d’un même souffle. La série Blue Soul de l’artiste constituait le cœur du parcours : des corps souvent solitaires, travaillés en couches, structures et gestes expressifs, oscillant entre figuration et abstraction. La couleur semblait y devenir un état intérieur plutôt qu’un simple choix pictural – une sorte de météo de l’âme.
Les textes de présentation insistent sur l’idée que Blue Soul « reflète les flux et reflux de nos émotions » et brouille les frontières entre réel et abstraction, rappelant que la compréhension de soi passe par l’acceptation de la joie comme de la tristesse, de toute la palette de nos sentiments.
L’Espace Thorigny Le Marais, avec ses volumes épurés et sa lumière maîtrisée, a servi de caisse de résonance à cette peinture introspective : un écrin calme où le bleu devenait presque une vibration.
Train Part Art – Mémoire urbaine et lignes de banlieue
Quelques semaines plus tôt, un autre univers s’était emparé du lieu : celui de Train Part Art avec l’exposition Les Bleus de St Laz.
Ici, l’espace se transforme en gare imaginaire. Les œuvres reprennent à l’échelle 1 les panneaux extérieurs des rames Z6400 de la ligne Paris–Saint-Lazare, supports mythiques du graffiti parisien. Certaines pièces reproduisent fidèlement des graffs ayant réellement existé, accompagnés de leur photographie d’archive, d’autres proposent des réinterprétations contemporaines. L’ensemble fonctionne comme un travail de mémoire : donner une seconde vie à ces fragments de culture urbaine promis à la disparition.
Ce projet, décrit par ses organisateurs comme un hommage à une époque et à une scène graffiti entière, trouve à l’Espace Thorigny Le Marais un décor brut et blanc qui laisse toute la place aux typographies, aux traces du temps et du métal. Le lieu devient wagon, quai, tunnel : un paysage ferroviaire reconstruit au cœur du Marais.
Espace d’Art Jeunesse – Le regard des enfants comme boussole
En novembre, l’Espace Thorigny Le Marais s’est, pour un jour, mis à la hauteur des enfants avec l’exposition « Espace d’Art Jeunesse à Paris », rassemblant les dessins finalistes du Grand concours international de dessin pour enfants 2025.
La présentation évoque un « univers vibrant et poétique » : couleurs vives, imaginaire sans limite, émotions à vif. Les murs se couvrent de mondes miniatures, de villes rêvées, d’animaux, de scènes du quotidien transformées par le regard enfantin. Chaque dessin est une petite narration, une façon de dire le monde sans filtre.
L’événement invitait familles, curieux et amateurs d’art à venir soutenir les talents de demain. L’Espace Thorigny Le Marais s’y fait galerie-école, lieu de transmission où l’on mesure à quel point la création enfantine peut être exigeante, radicale, parfois plus audacieuse que celle des adultes.
Le Chant des Pierres d’Arménie – Matière, mémoire et inconscient
Quelques jours plus tard, l’Espace Thorigny Le Marais accueillait « Le Chant des Pierres d’Arménie, ou le retour à Freud » de l’artiste Ani Dilanian.
Cette exposition, décrite comme une rétrospective d’un parcours créatif singulier, réunissait dessins, estampes et sculptures, en lien avec une trajectoire à la fois artistique et analytique. Les pierres – albâtre, marbre, granit, serpentine – y dialoguent avec la gravure ; la matière façonnée rejoint le trait gravé. Le titre lui-même suggère un double mouvement : vers l’Arménie, ses paysages, ses symboles, sa mémoire, et vers l’inconscient freudien.
Les textes de présentation parlent d’un cheminement où se croisent mémoire, culture, formes et inconscient : l’exposition apparaît comme un paysage intérieur en relief. Les sculptures dressent des présences minérales, les estampes ouvrent des passages plus fragiles, les dessins tissent un réseau de lignes où affleurent mythes, fragments de souvenirs, traces d’exil.
Dans la configuration de l’Espace Thorigny, ces œuvres occupent les volumes comme autant de stèles, de totems ou de fragments d’archéologie imaginaire : le visiteur chemine entre pierres et papiers comme dans une géologie de la mémoire.
Une année de correspondances
De Blue Soul à Les Bleus de St Laz, d’un bleu intérieur à un bleu ferroviaire, 2025 a fait résonner des nuances de couleurs et d’histoires : l’intime, l’urbain, l’enfance, la mémoire d’un pays. Les murs de l’Espace Thorigny Le Marais ont tour à tour accueilli le geste pictural, la reproduction monumentale de graffs, les dessins d’enfants venus du monde entier et les pierres sculptées d’une artiste travaillant entre Arménie et psychanalyse.
Ce qui relie ces projets, au-delà de leurs esthétiques très différentes, c’est la façon dont ils utilisent l’espace :
comme écrin sensible pour une peinture introspective (Blue Soul),
comme gare reconstituée pour une mémoire du graffiti (Train Part Art),
comme atelier ouvert aux regards enfants (Espace d’Art Jeunesse),
comme paysage intérieur minéral et gravé (Ani Dilanian).
L’Espace Thorigny Le Marais se confirme ainsi comme un lieu de métamorphoses, capable de se réinventer à chaque projet. Une année 2025 qui ressemble moins à une succession d’événements qu’à un seul grand récit fait de strates, de lignes et de voix – un récit en construction, prêt à se poursuivre en 2026.